Danse intuitive et Méditation zazen
Interview de Sylvie Hönle parue sur le site
meditationfrance.com
Question 1 : Bonjour Sylvie Hönle, tu es danseuse, et enseignante en danse (D.E.) depuis 20 ans, tu es aussi psycho énergéticienne, tu pratiques la méditation zen et tu proposes des ateliers de zazen à Grenoble et Revel. Tu animes aussi des ateliers mensuels et des stages résidentiels de danse intuitive et de méditation, deux pratiques qui s'enrichissent l'une l'autre, peux-tu en dire quelques mots ?
Ces deux pratiques me nourrissent et m’accompagnent depuis de très nombreuses années et j’ai été interprète durant 20 ans en tant que danseuse. La transmission m’a aussi appelé assez tôt. On pourrait croire que ces deux pratiques n’ont rien à voir l’une avec l’autre, car une est en mouvement et l’autre immobile, mais l’assise en zazen est une pratique très vivante intérieurement et nous permet une rencontre avec nous-mêmes en impliquant tout notre corps. Les propositions de mouvements que je propose se vivent également totalement dans le moment et durant un stage je commence et termine par l’assise. Cela permet d’aller à l’essentiel sans impliquer trop notre mental et c’est ce qui m’intéresse. Se tourner vers notre sensorialité, lâcher-prise sur nos conditionnements qui ne se trouvent pas seulement dans notre tête, comme on a l’habitude de dire, mais dans tout notre corps. Nous retrouvons aussi deux aspects importants : l’ancrage à la terre et la relation au ciel et à l’espace autour de nous, le souffle, se vivre là dans l’instant avec tous nos sens ! La pratique du Zen est une voie spirituelle et la danse un art, mais tout art peut toucher l’invisible et la danse m’a ouvert à cette dimension dans un premier temps. Ce lien entre ces deux pratiques s’est fait assez naturellement et je suis toujours émerveillée de voir jour après jour chacun(e) se déployer à son rythme, car mes stages sont ouverts à toute personne désireuse d’explorer et de découvrir l’assise, la danse à partir de son propre mouvement.
Question 2 : Ta passion pour la danse et le mouvement a commencé quand tu étais enfant, peux-tu nous expliquer ce que représente pour toi la danse et notamment la danse intuitive que tu proposes ?
J’ai commencé à 12 ans dans une toute petite école de danse en Allemagne avec une professeur qui venait du classique et nous faisait aussi improviser, j’ai le souvenir d’avoir tout de suite aimé ce mélange de rigueur et créativité, j’adorais aller à chaque cours qui me transportait dans un monde vivant. Et aussi j’aime encore aujourd’hui cette répétition de l’effort. Je me sentais réveiller à l’inverse de l’école où je m’ennuyais. Je fais partie des kinesthésiques, pour apprendre j’ai besoin d’éprouver, de toucher, de faire l’expérience. La danse me comblait et permettait que j’exprime qui je suis au-delà des mots et comme le zazen elle m’ouvrait à un espace en même temps concret et infini. J’ai commencé à transmettre durant mon parcours de danseuse. Peu à peu j’ai développé une manière de partager le mouvement dansé que j’ai nommé intuitive, car j’aime partager ce monde sensoriel, kinesthésique, qui nous ouvre à plein de possibles. Tout le monde peut se mettre en mouvement, il s’agit de lâcher nos représentations de ce qu’est la danse, jouer avec le mouvement afin de s’ouvrir à soi-même et ça fait un bien fou ! La danse existe depuis la nuit des temps pour marquer des saisons ou en tant que rite. L’aspect créatif est pour moi très important, c’est ce qui me permet de garder ce lien d’inventivité que j’avais, que nous avons souvent dans l’enfance à travers le jeu, l’imagination. Je suis toujours touchée durant un stage de voir qu’en deux trois jours on se sent proche les uns des autres, en douceur on se montre tel qu’on est. Le corps ne ment pas. Les personnes redécouvrent ce plaisir de se mettre en mouvement. Sentir leur corps pas seulement dans une mécanique routinière, mais un corps sensible, présent et expressif. Je donne beaucoup de cadres, mais il y a aussi une grande liberté à l’intérieur de ces cadres. C’est un équilibre à trouver afin que chacun(e) se sente sécurisé et puisse avoir un espace de spontanéité, de recherche sans être jugé. Malheureusement beaucoup de personnes se sentent inaptes parce qu’elles ont eu une expérience douloureuse, souvent liée au jugement. La bonne nouvelle c’est qu’on peut retenter, il n’y a rien à prouver, mais à vivre !
Question 3 : Comment la vie t'a amené à découvrir la méditation ?
Un jour un ami est revenu d’une retraite de Vipassana (une pratique provenant de l’Inde, basée sur l’observation du souffle et des sensations) et j’étais très touché de voir que quelque chose avait changé en lui, s’était ouvert. J’avais d’autres ami(es) qui m’en avaient parlé avant. Mes décisions sont souvent intuitives, j’ai eu un déclic et suis allée faire une retraite de 10 jours, je n’avais jamais médité avant. Dix jours en silence, quelle expérience bouleversante ! C’était une renaissance. À partir de là j’ai toujours pratiqué, puis la rencontre avec Pierre Philippon, maître Zen dans la Drôme, enseignant de l’école Sanbô Zen m’a fait prendre le chemin du Zen. Ce fut comme une évidence et j’ai senti immédiatement que j’avais trouvé la personne qui allait m’accompagner de longues années. Cela fait 13 ans que je suis élève de Pierre et j’éprouve une très grande gratitude de l’avoir rencontré. Je dois dire que le silence a toujours été important dans ma vie, enfant, tout en étant très bavarde, je recherchais le silence. Maintenant je sais que le silence extérieur m’aidait à révéler mon silence intérieur. La pratique du Zen nous invite à aller au-delà du moi, qui nous définit en tant que personne. Nous découvrons peu à peu que nous sommes plus vastes que cela.
Question 4 : Qu'est-ce que la pratique de la méditation assise en zazen t'amène au quotidien ?
M’asseoir tous les jours en silence est une nourriture profonde, j’éprouve ce sentiment de rentrer chez moi, mon vrai chez-moi. Ça me permet de ne pas me perdre dans trop de choses inutiles, me relie à l’essentiel, c’est une rencontre avec moi-même très directe. L’assise fait partie de ma vie et c’est bien plus que la recherche d’un bien être dont on parle beaucoup de nos jours. La voie du Zen nous ouvre à notre nature profonde, à réaliser l’unité. Réaliser que nous ne sommes pas séparés. Justement, renouveler l’assise sans vouloir que cela m’apporte quelque chose de précis, m’ouvrir à ce qui est là, quel cadeau ! Entre autres, je remarque être de plus en plus présente dans ma vie, par exemple en ce qui concerne tout simplement les choses à faire, je porte plus d’attention à chaque chose, petite ou grande. Je suis plus sensible à ce qui m’entoure. Sentir mon poids chaque jour sur mon coussin me permet de trouver un ancrage et me sentir moins submergée par mon émotivité. J’aime aussi beaucoup cet aspect du Zen qui porte sur la vie quotidienne au lieu de voir la pratique comme quelque chose de spécial qui ferait de nous des êtres spéciaux nous séparant de cette vie quotidienne. La pratique m’amène à m’impliquer totalement dans la vie, être plus présente dans les choses à faire, surtout celles que je n’ai pas envie de faire ! Il y a des jours ou je me rends compte que j’ai fait le ménage sans râler intérieurement. Ça peut concerner bien sûr toutes ces choses qu’on doit plus ou moins faire ou auxquelles nous sommes confrontés. Peu à peu le fait de pratiquer chaque jour nous transforme malgré nous, certains comportements tombent d’eux même sans qu’on recherche cela spécialement.
Question 5 : Est-ce que tu arrives à méditer régulièrement ? Car Zazen parait si simple et en même temps si difficile à la fois : assis les yeux mi-ouverts, l'attention sur la respiration qui va et qui vient, immobile et attentif…
Pour beaucoup de personnes, il semble que c’est difficile de s’asseoir chaque jour, je le fais depuis presque 30 ans. Depuis de nombreuses années, je suis accompagnée par Pierre Philippon qui bien sûr est très important dans mon cheminement comme pour beaucoup d’autres personnes. C’est un engagement mutuel et un choix. Comme je disais précédemment j’aime la régularité d’une pratique, un danseur(se) ne peut pas devenir danseur s'il (elle) ne pratique pas tous les jours. Parfois on se lève avec le corps fatigué et il faut retourner répéter ou faire un spectacle ! Même si ce n’est pas tout à fait sur le même plan, l’assise en silence devient une évidence, qu’on ait envie de s’asseoir ou pas. C’est là où on ressent un peu plus de liberté face à la tyrannie de notre moi auquel nous sommes la plupart du temps soumis(es) inconsciemment. Le coussin et le mur m’appellent tous les jours. Et ce qui se passe sur nos coussins est un concentré de ce que nous vivons au quotidien, au fond il n’y a aucune différence. Si je me sens triste, ce n’est pas l’assise qui me rend triste, mais le fait d’être là attentive à ce qui est, je ressens cette tristesse, colère ou autre émotion possible, autant que la paix, la joie qui aussi va passer à un moment ou un autre. Oui c’est simple et parfois difficile, la vie est ce qu’elle est et nous aimerions bien pouvoir la manipuler pour qu’elle nous donne exactement ce que nous voulons, ça ne marche pas vraiment n’est-ce pas ? Il ne s’agit pas non plus de subir, mais de répondre avec plus de clarté à ce que la vie nous demande. Je ressens une satisfaction ou forme de plénitude qui n’est pas dépendante de l’extérieur. Bien sûr parfois, face à des épreuves, je m’agite comme tout le monde, peut-être la pratique me permet de moins nourrir ces états, les accueillir et laisser passer. Nous savons tous qu’il y a des moments houleux à traverser, je dirais que l’assise me donne la confiance de les traverser et d’avoir un aperçut plus vaste de la réalité.
Question 6 : Tu as été formée en kinésiologie avec l'I.F.K.A. de Grenoble, méthode Warnke (une méthode innovante venant d'Allemagne pour les problèmes d'apprentissages) et en communication profonde accompagnée (C.P.A.) avec Martine Garcin-Fradet. Qu'est-ce que c'est que cette méthode de communication profonde accompagnée (C.P.A.) ?
J’ai dans un premier temps fait l’expérience pour moi-même et j’étais vraiment très touchée de ce qui émergeait, que je n’aurais pas pu consciemment mettre en mot.
La CPA est un outil thérapeutique qui permet une relation directe avec l’inconscient. Elle révèle nos souffrances, besoins, sentiments, mais également nos ressources profondes.
Cette méthode a été initiée dans un premier temps par Mme Crossley en Australie, sous le nom de"Communication Facilitée", à l’usage des personnes privées de la parole. Puis développé par Marguerithe Vexiau sous le nom de "Psychophanie" et élargie par Martine Garcin-Fradet qui appellera son approche "Communication Profonde Accompagnée" : CPA.
Par le soutien de la main, à l’aide d’un clavier d’ordinateur, des mots expriment une part de nous-mêmes à laquelle nous n’avons pas facilement accès et nous permettent d’ouvrir un nouvel espace.
Ainsi peuvent se manifester tout un potentiel d’amour, de créativité et une partie intacte de notre conscience. Et ce, quel que soit le vécu ou la situation de handicap de la personne.
Question 7 : Ton approche est ludique et joyeuse la preuve c'est que tu proposes aussi un stage "À la découverte de son clown à travers le corps, l'improvisation et la méditation" du 18 au 20 septembre 2020 avec Marie- Hélène Ménégoz qui nous amènera vers la découverte de notre clown, du clown que nous sommes et que nous ne connaissons pas forcément de manière consciente, mais qui est bien là pour chacun, chacune d’entre nous. Je reconnais bien là l'essence du Zen ... Le Zen derrière son côté un peu "sérieux" en apparence est en réalité une spiritualité où les maîtres zen ne se prennent jamais au sérieux. À qui s'adresse ce stage ?
Ce stage s’adresse à tout le monde ! Il faut juste avoir envie de découvrir certaines facettes de nous-même, car effectivement il y a un clown qui sommeille en nous et c'est justement en ne prévoyant rien, en se mettant à l’écoute de ce qui vient de l’intérieur que le clown, notre clown apparaît. Et l’objectif n’est pas de faire rire, ceci dit on rit énormément !! Mais c’est un rire qui vient d’un endroit où on est touché parce qu’il y a une telle spontanéité. Marie-Hélène guide bien sûr pour permettre cette émergence et découverte de notre clown intérieur.
C’est un processus dans un premier temps qui vient totalement du corps. D’où notre collaboration ou je propose dans un premier temps des improvisations, exercices, jeux de mouvements. C’est primordial de sentir son corps, son état intérieur. Marie-Hélène est aussi élève de Pierre Philippon et l’assise permet comme dans la danse d’être là sans anticiper, être moins dans le « faire », mais à l’écoute de ce qui se passe en nous. De l’extérieur le Zen parait très sérieux, mais on y vit exactement tous les états de la vie, il ne s’agit pas de s’en couper ou de refouler. Souvent au fur à mesure de notre vie nous refoulons des aspects de notre personnalité qui nous semble honteux, non acceptable pour plein de raisons et nous nous coupons d’une réserve d’énergie, d’une intégrité. J’étais très touchée d’entendre et voir les gens après une journée, ou chacun(e) témoignait que jamais il(le)s n’auraient penser jouer ceci ou cela durant une improvisation. C’est magnifique ! À notre premier stage, aucune personne n’avait pratiqué le clown et la plupart aussi ne s’étaient jamais assis en silence. L’esprit du débutant est tout ouvert. Ce fut un partage très joyeux et profond.
Question 8 : Ce stage a lieu au Domaine du Taillé qui est un centre d'accueil avec un design très zen, certainement un des plus beaux de France ... j'imagine que tu as eu un coup de cœur pour ce lieu ?
Effectivement, ça s’est passé comme ça. Je les ai contactés sur un coup de cœur en voyant leur site et ayant entendu parler de ce lieu. Pour moi les lieux sont importants, il faut je me sente bien, ainsi je sais que les stagiaires se sentiront bien aussi. Ce n’est pas forcément nécessaire qu’il y ait de grands moyens, c’est une question de qualité aussi humaine et la présence de la nature bien sûr.
Le Domaine du Taillé était un lieu dédié au Zen. Il y a des photos affichées où on voit les personnes tirer à l’arc et assis en Zazen. On y voit le lieu beaucoup plus rustique que maintenant. C’est très émouvant.
Il y a une énergie très forte qui nous porte pour les stages, le jardin splendide avec beaucoup d’espace et une piscine naturelle ! Après une journée où on transpire, c’est un pur bonheur de pouvoir plonger avec parfois ...une grenouille ! Chaque année je propose un stage fin août de Danse et méditation et en septembre pour la deuxième année un week-end avec Marie-Hélène autour du clown. Le lieu permet aussi de faire beaucoup de propositions à l’extérieur dans la nature ce qui est très inspirant C’est aussi un retour proche d’Aubenas ou je suis allée durant dix années entre 20 et 30 ans faire chaque été des stages avec une danseuse et pédagogue Myriam Berns. Elle louait un petit chalet juste à côté du Domaine du taillé. Elle a beaucoup compté dans mon parcours. Mais je donne aussi des stages à Chardennoux à A Ciel Ouvert et l’énergie du lieu est très douce. Un lieu aussi très beau ou on peut se plonger dans l’aventure du stage comme également à côté de Grenoble, un village proche de La Côte-Saint-André. Une ancienne ferme ou un couple a entièrement créé un lieu. Merci à ces lieux et leurs garants de permettre ces moments de partage, d’ouverture et de créativité.